La Pompe manuelle "Money Maker"
- (c) Approtec -
|
Des
technologies adaptées, pour Entreprendre...
L'expression "pauvreté dans le monde" évoque
trop facilement l'image des mendiants dénués
de tout, dormant sur les trottoirs de Calcutta et d'enfants
Africains mourant de faim sur le sable, dans des déserts
arides. Ces situations sont évidemment bien réelles,
et il faut trouver des solutions pour y remédier, mais
selon nous, ce tableau noir des pays en développement
occulte une grande partie de la population : les entrepreneurs.
Au Népal par exemple, chaque famille pratique, pour
subvenir à ses besoins, entre 5 et 18 activités
distinctes !! Du père fermier, guide et électricien
à ses heures perdues à la fille couturière,
secrétaire et vendeuse de fruits sur les marchés,
ils déploient une énergie héroïque
pour s’en sortir et vivre dignement. Il ne faut pas
considérer les populations les plus pauvres du globe
comme des assistés inactifs, ils constituent sans doute
plutôt le plus grand réservoir de petits entrepreneurs
que la terre n’ait jamais porté.
Souvent pourtant, comme ils sont au bas de la pyramide, personne
ne pense à eux en tant qu’investisseurs ou consommateurs
potentiels. C’est fort de ce constat que nous sommes
allés rencontrer Nick Moon, le fondateur d’Approtec,
une société à but non-lucratif dont le
but est de fournir à ce formidable vivier, les technologies
adéquates pour enfin développer significativement,
et par eux-mêmes, leurs entreprises.
Né à Singapour d’un père Irlandais
et d’une mère Anglaise, Nick est un voyageur
dans l’âme. Après avoir, à 18 ans,
sillonné les routes d’Europe, il rentre à
Londres pour créer avec un associé un atelier
d’ébénisterie. Très doué,
il est vite repéré par de riches Londoniens
amateurs de beaux meubles et se voit confié des travaux
importants, payés à prix d’or. Mais en
1982, lassé par la vie sous le brouillard britannique,
il décide de changer de cap, et sur un coup de tête
part en tant que volontaire dans une zone rurale de l’Est
Kenyan, à la frontière avec le Rwanda. Là-bas,
il forme des villageois à la menuiserie. Il se rend
vite compte que seuls ceux qui avaient l’esprit d’entreprise
pouvaient mettre ses conseils en pratique pour créer
un petit atelier et prospérer. « Autant se concentrer
sur eux, ils tireront ensuite toute la population derrière
eux ».
Revenu pour travailler dans les bidonvilles de Nairobi, il
rencontre en 1986 Martin Fisher, un brillant ingénieur
Américain avec lequel il passe des soirées entières
à refaire le monde et à trouver des solutions
au développement de son pays d’adoption. Il part
du principe qu’en Europe, aux Etats-Unis ou au Japon,
la richesse se crée grâce au renouvellement de
technologies coûteuses, à chaque fois plus efficace
et nécessitant des investissements de recherche, de
développement et de commercialisation considérables.
On dispose du capital pour investir mais ce qui est cher,
c’est le temps et le travail. A contrario, dans les
pays en voie de développement, on dispose de très
peu de capital, mais le temps et la main-d’oeuvre sont
disponibles en quantité abondante et à bon marché.
Fort de ce constat, il fait une petite étude et prend
conscience que sept Kenyans sur dix sont fermiers, et que
plus de 450.000 familles peuvent accéder à l’eau
pour irriguer leurs champs à 7 ou 8 mètres de
profondeur. Cependant, très peu d’entre-eux possèdent
des pompes car elles coûtent 200 € quand le revenu
moyen par personne est de 280€ par an. Elles intègrent
des pièces détachées compliquées
et coûteuses à changer, ont une capacité
bien supérieure aux parcelles de la majorité
des fermiers et fonctionnent à l’essence (chère
et difficile à se procurer).
« On se trouvait manifestement devant un grave dysfonctionnement
du marché, les clients étaient là, ils
pouvaient investir, mais la technologie adéquate n’était
pas disponible ». En 1994, avec l'aide de Martin Fisher,
ils développent en quelques mois une pompe manuelle,
portable, adaptée aux besoins de la majorité
des fermiers et beaucoup moins chère (65 à 70
€). Il les faire produire par 3 industriels Kenyans et
les revends via deux canaux de distribution bien distincts
: les grossistes d’outillages et les magasins labellisés
Approtec, la marque qu'il crée.
Dix ans après, les résultats sont étonnants
: 46.000 pompes ont été vendues, plus de 35.000
micros entreprises créées, générant
chaque année une richesse supplémentaire de
37 Millions d’€ (0,5 % du PIB Kenyan !!). Les clients
Kenyans, Tanzaniens, Zaïrois ou Ethiopiens d’Approtec
décuplent instantanément leurs revenus grâce
à ces technologies et même si l’investissement
de départ est conséquent, il est rentabilisé
après 1 ou 2 mois !! De nouveaux produits comme une
presse à huile manuelle, une machine à faire
des briques ou une autre à faire des bottes de foins
ont été lancés, et accueillis avec le
même succès.
Encore aujourd’hui en phase dite de développement,
le chiffre d’affaires généré par
les ventes d’outillages Approtec ne couvre que 25% de
son budget de fonctionnement annuel. Soutenu surtout par des
capitaux privés de « Business Angels »
qui croient au modèle, mais aussi par des fondations,
et des agences de développement, Nick prévoit,
grâce à une augmentation soutenue des ventes
et des économies d’échelles à la
production, l’équilibre pour 2008. Pour chaque
€ investi dans Approtec, ce sont plus de 20€ qui,
grâce à l’augmentation des rendements,
aux nouvelles cultures ou aux nouvelles activités,
qui sont créés par leurs clients.
Plus que l’image simplifiée que les médias
nous renvoient et que nous acceptons sans poser de questions,
la vraie richesse des pays en voie de développement
provient de ces millions d’hommes et femmes, triomphant
d’obstacles inimaginables pour créer la majeure
partie de la richesse de leurs sociétés. Il
ne leur manque souvent qu’un petit quelque chose, mais
qui fait la différence, comme l’accès
au crédit, aux titres de propriété ou
comme ici, à la technologie. Salué par Newsweek,
Time Magazine ou CNN, Nick ne prend pas la grosse tête
et se concentre sur son objectif premier : aider les entrepreneurs
et répondre aux besoins du marché car «
lui seul décidera à l’avenir de notre
pérennité et de notre développement ».
Marié et père de 4 enfants, Nick conclut notre
entrevue en nous apprenant qu’il doit rentrer chez lui
pour s’occuper de sa dernière, une jeune Kenyane
adoptée il y a 2 ans. Et nous de penser, voilà
un bonhomme au grand cœur !!
|