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Une
volonté de fer pour un Kenya vert...
En Afrique de l’Est, on estime que 10% du
territoire doit être couvert de forêt pour, tout
à la fois, retenir l’eau nécessaire à
la vie, conserver la biodiversité locale, préserver
la fertilité des sols et fixer le carbone responsable
du réchauffement climatique. Au Kenya, seuls 2% l’est
et pour 100 arbres coupés, seuls 9 sont replantés.
Wangari Maathai, une femme énergique et volontaire
a, il y a plus de 30 ans, créé un mouvement
massif de reforestation, qui a permis de replanter plus de
35 Millions d’arbres. Propulsée depuis 3 ans
vice-Ministre de l’Environnement, voici l’histoire
d’une contestataire bruyante devenue brillante leader
politique.
Né en 1940 à Nyeri de parents Kikuyu, l’ethnie
dominante sur les flancs du Mt Kenya, Wangari est la première
femme d’Afrique de l’Est à obtenir un doctorat.
Après avoir étudié la biologie aux Etats-Unis
et en Allemagne, elle devient professeur puis responsable
du département d’anatomie animale à l’Université
de Nairobi. Très active dans la sphère associative,
elle est en même temps directrice de la Croix-Rouge
Kenyane pendant 7 ans et membre du Conseil National des Femmes.
Sensible depuis plusieurs années à la déforestation
qui ravage sa région natale, c’est dans ce cadre
que Wangari va planter ses premiers arbres. Elle comprend
l’importance des forêts dans le fragile équilibre
naturel, mais aussi, que la reforestation peut devenir une
source de revenus importants pour les communautés locales.
S’appuyant sur un large réseau de femmes dont
elle est l’une des représentantes, elle forme
plus de 10 000 femmes aux techniques d’empotage et leur
propose 5 shillings (l’équivalent de 15 cents
d’€) par jeune pousse. Le Green Belt Mouvement*,
créé en 1977, se développe très
rapidement et dès le début des années
80, plus de 3 000 femmes travaillent dans 600 « fermes
arboricoles » à planter plusieurs dizaines de
milliers d'arbres. Plus de 15 000 fermiers ainsi qu’un
demi-million d’élèves participent à
l’émergence d’une « conscience écologique
nationale » dont Wangari se fait l’icône,
l’avocate mais aussi parfois la victime.
En 1997 par exemple, un projet immobilier soutenu par le président
de la république Daniel Arap Moi menace la forêt
de Karura, à quelques kilomètres de la capitale
Nairobi. Wangari le dénonce, et en compagnie de quelques
activistes passionnés fait barrage aux premiers ouvriers
censés couper les arbres. Battue à coup de barre
de fer, elle passe quelques jours à l’hôpital
avant d’être jetée en prison. Relâchée
quelques jours plus tard grâce à la pression
exercée par Amnesty International, sa première
déclaration officielle sera « je retourne à
Karura pour planter des arbres, et s’ils veulent détruire
cette forêt, ce sera au-dessus de ma propre tombe ».
Jamais à court de combats à mener, Wangari est
aussi mère de 3 enfants et divorcée d’un
mari député qui aurait déclaré
pendant les années 80 : « elle est trop éduquée,
trop forte, trop brillante et trop têtue ».
Son mouvement,
désormais décliné dans plus de 9 pays
Africains, est salué par de très nombreux prix
internationaux et Wangari est en 2001 élue par le Times
Magazine une des « Héros pour la Planète
». Forte de cette renommée, elle éprouve
le besoin de passer de l’autre côté de
la barrière et de s’engager en politique pour
« pouvoir durablement influencer les pratiques de son
pays ». Nommée vice-ministre de l’Environnement
par le nouveau président, elle est depuis un an et
demi dans le vif du sujet et au centre de toutes les problématiques
écologique de son pays.
Elle continue de planter des arbres, de sensibiliser la population
à la nécessité de conserver et investir
dans le Capital Naturel et expérimente actuellement
des projets pilotes d'éco-tourisme dans les parcs animaliers.
Il est trop tôt pour tirer des conclusions des ses premières
actions de vice-ministre, mais ce dont nous pouvons être
sûr, c'est qu'elle apporte avec elle une touche de folie
et de déraison qui a depuis longtemps caractérisé
sa vie.
* Green Belt Mouvement : Le Mouvement pour une Ceinture Verte.
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