Wangari Maathai - Nairobi (Kenya) - 17 Août 2004
Une volonté de
fer pour un Kenya vert...
En Afrique
de l’Est, on estime que 10% du territoire doit être couvert de
forêt pour, tout à la fois, retenir l’eau nécessaire
à la vie, conserver la biodiversité locale, préserver
la fertilité des sols et fixer le carbone responsable du réchauffement
climatique. Au Kenya, seuls 2% l’est et pour 100 arbres coupés,
seuls 9 sont replantés. Wangari Maathai, une femme énergique
et volontaire a, il y a plus de 30 ans, créé un mouvement massif
de reforestation, qui a permis de replanter plus de 35 Millions d’arbres.
Propulsée depuis 3 ans vice-Ministre de l’Environnement, voici
l’histoire d’une contestataire bruyante devenue brillante leader
politique.
Né en 1940 à Nyeri de parents Kikuyu, l’ethnie dominante
sur les flancs du Mt Kenya, Wangari est la première femme d’Afrique
de l’Est à obtenir un doctorat. Après avoir étudié
la biologie aux Etats-Unis et en Allemagne, elle devient professeur puis responsable
du département d’anatomie animale à l’Université
de Nairobi. Très active dans la sphère associative, elle est
en même temps directrice de la Croix-Rouge Kenyane pendant 7 ans et
membre du Conseil National des Femmes. Sensible depuis plusieurs années
à la déforestation qui ravage sa région natale, c’est
dans ce cadre que Wangari va planter ses premiers arbres. Elle comprend l’importance
des forêts dans le fragile équilibre naturel, mais aussi, que
la reforestation peut devenir une source de revenus importants pour les communautés
locales.
S’appuyant sur un large réseau de femmes dont elle est l’une
des représentantes, elle forme plus de 10 000 femmes aux techniques
d’empotage et leur propose 5 shillings (l’équivalent de
15 cents d’€) par jeune pousse. Le Green Belt Mouvement*, créé
en 1977, se développe très rapidement et dès le début
des années 80, plus de 3 000 femmes travaillent dans 600 « fermes
arboricoles » à planter plusieurs dizaines de milliers d'arbres.
Plus de 15 000 fermiers ainsi qu’un demi-million d’élèves
participent à l’émergence d’une « conscience
écologique nationale » dont Wangari se fait l’icône,
l’avocate mais aussi parfois la victime.
En 1997 par exemple, un projet immobilier soutenu par le président
de la république Daniel Arap Moi menace la forêt de Karura, à
quelques kilomètres de la capitale Nairobi. Wangari le dénonce,
et en compagnie de quelques activistes passionnés fait barrage aux
premiers ouvriers censés couper les arbres. Battue à coup de
barre de fer, elle passe quelques jours à l’hôpital avant
d’être jetée en prison. Relâchée quelques
jours plus tard grâce à la pression exercée par Amnesty
International, sa première déclaration officielle sera «
je retourne à Karura pour planter des arbres, et s’ils veulent
détruire cette forêt, ce sera au-dessus de ma propre tombe ».
Jamais à court de combats à mener, Wangari est aussi mère
de 3 enfants et divorcée d’un mari député qui aurait
déclaré pendant les années 80 : « elle est trop
éduquée, trop forte, trop brillante et trop têtue ».
Son mouvement, désormais
décliné dans plus de 9 pays Africains, est salué par
de très nombreux prix internationaux et Wangari est en 2001 élue
par le Times Magazine une des « Héros pour la Planète
». Forte de cette renommée, elle éprouve le besoin
de passer de l’autre côté de la barrière et de s’engager
en politique pour « pouvoir durablement influencer les pratiques de
son pays ». Nommée vice-ministre de l’Environnement par
le nouveau président, elle est depuis un an et demi dans le vif du
sujet et au centre de toutes les problématiques écologique de
son pays.
Elle continue de planter des arbres, de sensibiliser la population à
la nécessité de conserver et investir dans le Capital Naturel
et expérimente actuellement des projets pilotes d'éco-tourisme
dans les parcs animaliers. Il est trop tôt pour tirer des conclusions
des ses premières actions de vice-ministre, mais ce dont nous pouvons
être sûr, c'est qu'elle apporte avec elle une touche de folie
et de déraison qui a depuis longtemps caractérisé sa
vie.
* Green Belt Mouvement : Le Mouvement pour une Ceinture Verte.
Wangari Maathai vient de recevoir le Prix Nobel de la Paix 2004
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