|
Le
Yogi du Yogurt...
« Croyez en vous, soyez volontaires et ne baissez jamais
les bras, vous atteindrez vos objectifs ». Cette phrase,
exemple type de discours prononcé par un des derniers
gourous du développement personnel haranguant une foule
de jeunes managers aux dents longues, n’a pas le même
sens quand elle sort de la bouche de Gary Hirshberg. Fondateur
de Stonyfield Farm, une formidable "success story"
du secteur de l’alimentation bio aux Etats-Unis, il
revient sur son parcours et nous invite à devenir nous
aussi des d’entrepreneurs responsables.
Jeune skieur de haut niveau, Gary prend conscience des problèmes
environnementaux lorsqu'adolescent, il n’est plus capable
d'apercevoir l’Océan Atlantique du Mont Washington,
un des points culminants du New Hampshire. Il se lance alors
dans des études en environnement et commence sa carrière
professionnelle comme guide naturaliste aux Etats-Unis et
en République Populaire de Chine. Un peu par hasard,
il s’engage dans un centre d’éducation
à l’agriculture biologique fondé par Samuel
Kaymen, un de ses amis. La santé financière
du centre est un désastre et sans financement nouveaux
sera bientôt contraint de fermer. « Samuel faisait
ce yogurt incroyable, vraiment le meilleur que je n’ai
jamais goûté, et un jour, attablés à
chercher une solution, un de nous a émis l’idée
le vendre ».
Avec un prêt de 35.000 dollars alloué par des
sœurs, Gary et Samuel achètent leur tout premier
équipement, et avec « 2 familles, sept vaches
et une incroyable recette », Stonyfield voit le jour
en 1983. Dès le départ, leur mission est d’être
un modèle d’entreprise responsable, favorisant
l’agriculture biologique dont tous leurs ingrédients
sont issus, non seulement pour préserver l’environnement
mais aussi pour assurer la santé de ses clients. Il
se réfère à une étude menée
à Seattle sur des enfants en classe de maternelle.
On a retrouvé 6 fois plus de pesticides dans les urines
du groupe soumis à un régime conventionnel que
dans ceux soumis à un régime bio. « Sans
être des écolos convaincus, on se doit d’admettre
que de telles quantités sont nocives pour le corps
humain ».
Malgré cette bonne volonté, les premières
années sont difficiles. Pour plusieurs raisons, dont
le prix du lait bio structurellement élevé,
des mauvais choix dans le centre de production et un manque
de chance avec les investisseurs, Stonyfield finit chaque
année dans le rouge. Les yogurts sont pourtant plébiscités
par les consommateurs et la marque gagne en notoriété
mais rien n’y fait. À la fin de 1987 par exemple,
Gary doit plus d’argent à ses fournisseurs que
ce qu’il a réalisé en chiffre d’affaires
sur les 12 derniers mois !! Il travaille la journée
comme président faisant face aux ennuis, la nuit comme
chef de production, son mariage vacille, il ne profite pas
de la naissance de son premier enfant, manque une bonne demi-douzaine
de fois de mettre la clé sous la porte, mais demeure
convaincu que son modèle a de l’avenir.
Sa détermination et son courage finissent par payer
puisque fin 1991, pour la première fois depuis 8 ans,
Stonyfield gagne de l’argent. Depuis, grâce à
un marketing innovant et décalé qui lui ont
fait lancé des produits aux noms originaux comme Moo-La-La
ou Yo-Baby, il approvisionne non seulement les distributeurs
bios, mais aussi des mastodontes classiques tels que Wal-Mart
ou K-Mart et croît chaque année de plus de 20%.
Il est désormais le quatrième fabriquant de
yogurts Américain et la première marque bio
avec un chiffre d’affaires de plus de 150 Millions de
Dollars en 2003 pour un effectif de 230 salariés. Reconnu
pour son engagement envers l’environnement, il a été
maintes fois récompensés par des prix nationaux
et internationaux. Son usine neutre en terme de réchauffement
climatique est certifiée « zéro émission
», 75% de ses déchets solides sont recyclés,
il accroît chaque année son efficience énergétique
et reverse 10% de ses bénéfices à des
associations protectrices de l’environnement.
Fort de ces succès, il y a quatre ans, après
tant d’efforts, Danone lui propose de prendre le contrôle
de Stonyfield. C’est une période d’intenses
doutes pendant laquelle Gary hésite entre rester indépendant
et trouver une solution intéressante de rémunération
pour ses 300 actionnaires, dont de nombreux amis qui l’avaient
aidé dans les moments difficiles. « C’était
comme vendre son propre bébé ». Après
plus de 20 mois de négociations et de questions existentielles,
convaincu qu’il resterait à la tête de
la société et que celle-ci deviendrait le laboratoire
social et environnemental du groupe Danone dans son ensemble,
il accepte l’offre.
Toujours marié à Meg et heureux père
de 3 enfants élevés au yogurt Stonyfield, Gary,
en pleine forme, profite de sa relative « liberté
» pour lancer O’Naturals, une chaîne de
restaurants bio et prendre la présidence du modeste
club de football de sa ville. Il est toujours le « moo-teur
» de son entreprise, vit son rêve au jour le jour
et nous confie, les yeux pleins de malices, que les valeurs
qui ont fait son succès déteignent déjà
sur les pratiques du géant Français. Après
l’avoir rencontré, nous ne pouvons que l'espérer...
|