Gary
Hirshberg - Londonderry (Etats-Unis) - 19 Février
2004
Le Yogi du Yogurt...
«
Croyez en vous, soyez volontaires et ne baissez jamais les bras, vous atteindrez
vos objectifs ». Cette phrase, exemple type de discours prononcé
par un des derniers gourous du développement personnel haranguant une
foule de jeunes managers aux dents longues, n’a pas le même sens
quand elle sort de la bouche de Gary Hirshberg. Fondateur de Stonyfield Farm,
une formidable "success story" du secteur de l’alimentation
bio aux Etats-Unis, il revient sur son parcours et nous invite à devenir
nous aussi des d’entrepreneurs responsables.
Jeune skieur de haut niveau, Gary prend conscience des problèmes environnementaux
lorsqu'adolescent, il n’est plus capable d'apercevoir l’Océan
Atlantique du Mont Washington, un des points culminants du New Hampshire.
Il se lance alors dans des études en environnement et commence sa carrière
professionnelle comme guide naturaliste aux Etats-Unis et en République
Populaire de Chine. Un peu par hasard, il s’engage dans un centre d’éducation
à l’agriculture biologique fondé par Samuel Kaymen, un
de ses amis. La santé financière du centre est un désastre
et sans financement nouveaux sera bientôt contraint de fermer. «
Samuel faisait ce yogurt incroyable, vraiment le meilleur que je n’ai
jamais goûté, et un jour, attablés à chercher une
solution, un de nous a émis l’idée le vendre ».
Avec un prêt de 35.000 dollars alloué par des sœurs, Gary
et Samuel achètent leur tout premier équipement, et avec «
2 familles, sept vaches et une incroyable recette », Stonyfield voit
le jour en 1983. Dès le départ, leur mission est d’être
un modèle d’entreprise responsable, favorisant l’agriculture
biologique dont tous leurs ingrédients sont issus, non seulement pour
préserver l’environnement mais aussi pour assurer la santé
de ses clients. Il se réfère à une étude menée
à Seattle sur des enfants en classe de maternelle. On a retrouvé
6 fois plus de pesticides dans les urines du groupe soumis à un régime
conventionnel que dans ceux soumis à un régime bio. «
Sans être des écolos convaincus, on se doit d’admettre
que de telles quantités sont nocives pour le corps humain ».
Malgré cette bonne volonté, les premières années
sont difficiles. Pour plusieurs raisons, dont le prix du lait bio structurellement
élevé, des mauvais choix dans le centre de production et un
manque de chance avec les investisseurs, Stonyfield finit chaque année
dans le rouge. Les yogurts sont pourtant plébiscités par les
consommateurs et la marque gagne en notoriété mais rien n’y
fait. À la fin de 1987 par exemple, Gary doit plus d’argent à
ses fournisseurs que ce qu’il a réalisé en chiffre d’affaires
sur les 12 derniers mois !! Il travaille la journée comme président
faisant face aux ennuis, la nuit comme chef de production, son mariage vacille,
il ne profite pas de la naissance de son premier enfant, manque une bonne
demi-douzaine de fois de mettre la clé sous la porte, mais demeure
convaincu que son modèle a de l’avenir.
Sa détermination et son courage finissent par payer puisque fin 1991,
pour la première fois depuis 8 ans, Stonyfield gagne de l’argent.
Depuis, grâce à un marketing innovant et décalé
qui lui ont fait lancé des produits aux noms originaux comme Moo-La-La
ou Yo-Baby, il approvisionne non seulement les distributeurs bios, mais aussi
des mastodontes classiques tels que Wal-Mart ou K-Mart et croît chaque
année de plus de 20%. Il est désormais le quatrième fabriquant
de yogurts Américain et la première marque bio avec un chiffre
d’affaires de plus de 150 Millions de Dollars en 2003 pour un effectif
de 230 salariés. Reconnu pour son engagement envers l’environnement,
il a été maintes fois récompensés par des prix
nationaux et internationaux. Son usine neutre en terme de réchauffement
climatique est certifiée « zéro émission »,
75% de ses déchets solides sont recyclés, il accroît chaque
année son efficience énergétique et reverse 10% de ses
bénéfices à des associations protectrices de l’environnement.
Fort de ces succès, il y a quatre ans, après tant d’efforts,
Danone lui propose de prendre le contrôle de Stonyfield. C’est
une période d’intenses doutes pendant laquelle Gary hésite
entre rester indépendant et trouver une solution intéressante
de rémunération pour ses 300 actionnaires, dont de nombreux
amis qui l’avaient aidé dans les moments difficiles. «
C’était comme vendre son propre bébé ». Après
plus de 20 mois de négociations et de questions existentielles, convaincu
qu’il resterait à la tête de la société et
que celle-ci deviendrait le laboratoire social et environnemental du groupe
Danone dans son ensemble, il accepte l’offre.
Toujours marié à Meg et heureux père de 3 enfants élevés
au yogurt Stonyfield, Gary, en pleine forme, profite de sa relative «
liberté » pour lancer O’Naturals, une chaîne de restaurants
bio et prendre la présidence du modeste club de football de sa ville.
Il est toujours le « moo-teur » de son entreprise, vit son rêve
au jour le jour et nous confie, les yeux pleins de malices, que les valeurs
qui ont fait son succès déteignent déjà sur les
pratiques du géant Français. Après l’avoir rencontré,
nous ne pouvons que l'espérer...
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