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"Encore un peu de riz, mon canard ?"
On considère souvent que passer aux méthodes
de l’agriculture biologique revient à jeter de
l’argent par les fenêtres… On produirait
forcément moins et pour plus cher. Takao Furuno, depuis
l’extrême Sud de l’archipel nippon démontre
le contraire avec l’un des aliments clés d’une
large majorité de la population mondiale : le riz.
Il est souvent décrit comme l’inventeur d’une
méthode, qui, en fait, existe depuis plus de 700 ans
en Asie. Comment faire pousser du riz sans pesticides et fertilisants
chimiques, et ceci avec un meilleur rendement à l’hectare
? Il suffit de laisser patauger des canards sur les rizières
!!
Takao Furuno est né en 1950 dans une région
rurale du Japon et ses premiers souvenirs sont ceux d’une
campagne environnante peuplée de toutes sortes d’oiseaux,
de canards et d’animaux sauvages. Dès l’arrivée
des méthodes agricoles intensives et reposant sur l’utilisation
de produits chimiques, les champs furent évidemment
désertés.
La lecture d’un des livres majeurs du mouvement écologique
mondial, « Le Printemps Silencieux » de Rachel
Carlson, américaine qui dénonce les effets néfastes
de l’industrie chimique sur l’environnement ;
déclenche son engagement. Il se lance dans l’agriculture
biologique dès 1978. Mais très rapidement, il
se brise le dos à passer ses journées courbé
sur les rizières pour défricher les mauvaises
herbes. En 1988, il tombe sur une méthode traditionnelle
qui suggère de laisser des canards faire ce travail
harassant. Il décide d’essayer.
Et les résultats sont impressionnants. Non seulement,
les canards, en se nourrissant, débarrassent les rizières
des insectes parasites, mais en remuant les fonds, ils détruisent
les mauvaises herbes et oxygènent l’eau. Enfin,
leurs déjections sont d’excellents engrais. Les
canards et les pousses de riz sont faits pour s’entendre.
Les rendements à l’hectare sont égaux,
voire supérieurs aux méthodes intensives avec
un coût légèrement supérieur pour
le riz. Mais la culture du canard rapporte ! Les revenus des
agriculteurs de pays développés passant à
ces méthodes s’améliorent considérablement
grâce à des prix de vente « bio »
supérieurs. Mais même dans les pays en voie de
développement comme en Thaïlande, au Cambodge
ou au Laos, les fermiers adoptant cette méthode combinée
peuvent doubler leurs revenus, et améliorer la productivité
de leurs rizières de 30%.
Les risques associés à la culture du canard
existent. Une des premières années, Takao Furuno
a vu une maladie emporter l’ensemble de ses canards.
Et, jusqu’à ce qu’il installe une barrière
électrique, les chiens errant venaient régulièrement
se régaler à l’œil. Mais le risque
économique est moindre, en diversifiant les sources
de revenus : riz, canards et même poissons qu’il
introduit avec succès dans les rizières, la
dépendance face aux aléas des prix du marché
diminue. Du fait de la rareté de l’offre «
bio » face à une demande toujours croissante,
les prix du « duck rice »(*) restent supérieurs
mais aucune exploitation à large échelle n’a
encore été essayée, l’exploitation
de M Furuno ne dépassant pas les 3 hectares. Mais rien
n’empêche d’imaginer d’utiliser cette
méthode sans la cantonner au marché bio. Takao
Furuno essaie en tout cas d’en convaincre la terre entière,
il voyage pour ça 5 mois de l’année et
a déjà écrit un best-seller en japonais
et en anglais qu’il a intitulé : « Le pouvoir
du canard » !
Son rêve, voir dans chaque rizière qu’il
croise patauger allègrement une ribambelle de canards
joyeux. Il prouvera ainsi qu’économique peut
rimer avec bucolique...
(*) duck signifie canard en anglais.
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