Takao Furuno - Fukuoka (Japon) - 19 Janvier 2004

"Encore un peu de riz, mon canard ?"



On considère souvent que passer aux méthodes de l’agriculture biologique revient à jeter de l’argent par les fenêtres… On produirait forcément moins et pour plus cher. Takao Furuno, depuis l’extrême Sud de l’archipel nippon démontre le contraire avec l’un des aliments clés d’une large majorité de la population mondiale : le riz.

Il est souvent décrit comme l’inventeur d’une méthode, qui, en fait, existe depuis plus de 700 ans en Asie. Comment faire pousser du riz sans pesticides et fertilisants chimiques, et ceci avec un meilleur rendement à l’hectare ? Il suffit de laisser patauger des canards sur les rizières !!

Takao Furuno est né en 1950 dans une région rurale du Japon et ses premiers souvenirs sont ceux d’une campagne environnante peuplée de toutes sortes d’oiseaux, de canards et d’animaux sauvages. Dès l’arrivée des méthodes agricoles intensives et reposant sur l’utilisation de produits chimiques, les champs furent évidemment désertés.

La lecture d’un des livres majeurs du mouvement écologique mondial, « Le Printemps Silencieux » de Rachel Carlson, américaine qui dénonce les effets néfastes de l’industrie chimique sur l’environnement ; déclenche son engagement. Il se lance dans l’agriculture biologique dès 1978. Mais très rapidement, il se brise le dos à passer ses journées courbé sur les rizières pour défricher les mauvaises herbes. En 1988, il tombe sur une méthode traditionnelle qui suggère de laisser des canards faire ce travail harassant. Il décide d’essayer.

Et les résultats sont impressionnants. Non seulement, les canards, en se nourrissant, débarrassent les rizières des insectes parasites, mais en remuant les fonds, ils détruisent les mauvaises herbes et oxygènent l’eau. Enfin, leurs déjections sont d’excellents engrais. Les canards et les pousses de riz sont faits pour s’entendre. Les rendements à l’hectare sont égaux, voire supérieurs aux méthodes intensives avec un coût légèrement supérieur pour le riz. Mais la culture du canard rapporte ! Les revenus des agriculteurs de pays développés passant à ces méthodes s’améliorent considérablement grâce à des prix de vente « bio » supérieurs. Mais même dans les pays en voie de développement comme en Thaïlande, au Cambodge ou au Laos, les fermiers adoptant cette méthode combinée peuvent doubler leurs revenus, et améliorer la productivité de leurs rizières de 30%.

Les risques associés à la culture du canard existent. Une des premières années, Takao Furuno a vu une maladie emporter l’ensemble de ses canards. Et, jusqu’à ce qu’il installe une barrière électrique, les chiens errant venaient régulièrement se régaler à l’œil. Mais le risque économique est moindre, en diversifiant les sources de revenus : riz, canards et même poissons qu’il introduit avec succès dans les rizières, la dépendance face aux aléas des prix du marché diminue. Du fait de la rareté de l’offre « bio » face à une demande toujours croissante, les prix du « duck rice »(*) restent supérieurs mais aucune exploitation à large échelle n’a encore été essayée, l’exploitation de M Furuno ne dépassant pas les 3 hectares. Mais rien n’empêche d’imaginer d’utiliser cette méthode sans la cantonner au marché bio. Takao Furuno essaie en tout cas d’en convaincre la terre entière, il voyage pour ça 5 mois de l’année et a déjà écrit un best-seller en japonais et en anglais qu’il a intitulé : « Le pouvoir du canard » !

Son rêve, voir dans chaque rizière qu’il croise patauger allègrement une ribambelle de canards joyeux. Il prouvera ainsi qu’économique peut rimer avec bucolique...

(*) duck signifie canard en anglais.


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