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Bunker Roy, un entrepreneur social au service du développement
rural.
L’Inde, 2ème pays au monde avec plus d'un milliard
d’habitants compte 700 000 villages sur un territoire
équivalent à 6 fois la France. La situation
économique y est très souvent fragile, la moindre
saison sèche ou récolte difficile venant accroître
l’exode rural déjà considérable.
Comment un de ces villages, peuplé de seulement 800
habitants devient un des modèles de développement
durable pour tous les autres pays du Sud ; visité,
reconnu et admiré par des personnalités comme
le président de la Fondation Ford, le président
de la Banque Mondiale ou le Prince de Galles ? C’est
pour répondre à cette question que nous avons
rencontré Bunker Roy, le fondateur du « Barefoot
College » de Tilonia.
Fils d’une des familles les plus influentes du Bengale
(la région de Calcutta), Bunker a suivi l'une des meilleures
éducations du système indien. Il a usé
ses shorts sur les mêmes bancs que Rajiv Gandhi (le
fils d’Indira et lui aussi ancien Premier Ministre assassiné)
et que les héritiers du plus grand empire industriel
du sous-continent : les fils Tata. De cette éducation
stricte et élitiste, il garde le souvenir de professeurs
« on ne peut plus snob » leur présentant
le mirage de l’Inde moderne du XXIe siècle en
lieu et place du « Bhârat », l’Inde
rurale*.
Programmé pour devenir un grand diplomate, un fin politicien
ou un puissant bureaucrate, Bunker suit une scolarité
exemplaire. Pendant son temps libre, il se consacre à
sa passion, le squash, et remporte même pendant 4 années
d’affilée le Championnat National.
Le tournant de sa vie se produit en 1966, lorsque par curiosité,
il va visiter un village du Bihâr. Cette année-là,
ce petit Etat rural, frontalier du Népal, connaît
une des pires famines de son histoire. Faute de mousson, les
greniers à céréales sont entièrement
vides et l’aide internationale permet difficilement
à chaque personne de disposer d’une chapati par
jour, une mince galette de farine de blé, base de l’alimentation
indienne.
Le choc est terrible pour ce jeune privilégié.
Rien dans son parcours personnel ne l’avait préparé
à voir cette réalité poignante : des
dizaines de milliers de personnes périssent faute de
nourriture et ceux qui restent sont condamnés à
errer chaque jour à la recherche d’une maigre
pitance. C’est décidé, du haut de ses
19 ans, Bunker prend une décision qui va changer sa
vie : il veut vivre dans l’Inde rurale et se mettre
au service des paysans les plus pauvres.
Sans avoir aucune notion concrète de ce qu’il
veut entreprendre et de la manière dont il doit opérer,
il décide d’aller vivre dans un des villages
du district d’Ajmer, dans le Rajasthan. C’est
là, qu’humblement, il passe 5 ans de sa vie.
Travaillant comme un forcené, il creuse, nettoie et
fait exploser des charges afin de construire des puits. Au
contact des villageois de souche, il acquiert la certitude
que les connaissances et les compétences pratiques
des villageois sont suffisantes pour assurer leur développement.
A 25 ans, un collègue l’invite à passer
quelques jours à Tilonia. Cette visite sera le second
tournant de son existence. Il remarque un grand sanatorium
à l’abandon au beau milieu du village et décide
d’engager les démarches pour l’acquérir.
Légué par le gouvernement au modeste prix de
1 roupie, il en fera en 3 décennies le centre du «
Barefoot College ».
Construit sur des préceptes de Gandhi, celui-ci s’articule
autour de 5 grandes idées : la participation de chacun
à la vie du village, l’égalité
homme-femme, l’éducation pratique et non théorique,
la nécessité de ne pas gâcher les ressources
et la technologie par et pour ses habitants.
Résultat après presque trente ans d’efforts.
Toute l’électricité du village provient
de panneaux solaires, 90 écoles de nuits ont été
créées pour dispenser un savoir pratique aux
enfants qui gardent leurs troupeaux le jour. Un groupe de
300 femmes se réunit chaque semaine pour débattre
et influencer leurs conditions de vie et un ingénieux
système de récupération de l’eau
de pluie alimente irrigation, douches et toilettes de tous
les villageois. Dernière trouvaille mais pas des moindre,
un parlement des enfants est élu tous les 3 ans pour
influencer la vie du village et des écoles !!
Le plus remarquable de ces 30 années de développement
est que ce sont les villageois eux-mêmes qui ont eu
les idées, les ont financées (partiellement)
et les ont appliquées à leur rythme et ceci
sans aucune aide extérieure. Bunker ne se considère
que comme un support et passe désormais la majeure
partie de son temps à promouvoir ce modèle aux
quatre coins de l'Inde et, depuis peu, de la Planète.
Persuadé qu'il faut beaucoup plus investir sur les
individus que sur les projets pour réaliser un développement
durable des villages indiens, il espère convaincre
les sceptiques et faire de nombreux adeptes. En voilà
2 de plus !!
* "Bhârat" signifie Inde en Hindi.
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