Bunker
Roy - Tilonia (Rajasthan/Inde) - 15 Septembre 2003
Bunker Roy, un entrepreneur
social au service du développement rural.
L’Inde,
2ème pays au monde avec plus d'un milliard d’habitants compte
700 000 villages sur un territoire équivalent à 6 fois la France.
La situation économique y est très souvent fragile, la moindre
saison sèche ou récolte difficile venant accroître l’exode
rural déjà considérable. Comment un de ces villages,
peuplé de seulement 800 habitants devient un des modèles de
développement durable pour tous les autres pays du Sud ; visité,
reconnu et admiré par des personnalités comme le président
de la Fondation Ford, le président de la Banque Mondiale ou le Prince
de Galles ? C’est pour répondre à cette question que nous
avons rencontré Bunker Roy, le fondateur du « Barefoot College
» de Tilonia.
Fils d’une des familles les plus influentes du Bengale (la région
de Calcutta), Bunker a suivi l'une des meilleures éducations du système
indien. Il a usé ses shorts sur les mêmes bancs que Rajiv Gandhi
(le fils d’Indira et lui aussi ancien Premier Ministre assassiné)
et que les héritiers du plus grand empire industriel du sous-continent
: les fils Tata. De cette éducation stricte et élitiste, il
garde le souvenir de professeurs « on ne peut plus snob » leur
présentant le mirage de l’Inde moderne du XXIe siècle
en lieu et place du « Bhârat », l’Inde rurale*.
Programmé pour devenir un grand diplomate, un fin politicien ou un
puissant bureaucrate, Bunker suit une scolarité exemplaire. Pendant
son temps libre, il se consacre à sa passion, le squash, et remporte
même pendant 4 années d’affilée le Championnat National.
Le tournant de sa vie se produit en 1966, lorsque par curiosité, il
va visiter un village du Bihâr. Cette année-là, ce petit
Etat rural, frontalier du Népal, connaît une des pires famines
de son histoire. Faute de mousson, les greniers à céréales
sont entièrement vides et l’aide internationale permet difficilement
à chaque personne de disposer d’une chapati par jour, une mince
galette de farine de blé, base de l’alimentation indienne.
Le choc est terrible pour ce jeune privilégié. Rien dans son
parcours personnel ne l’avait préparé à voir cette
réalité poignante : des dizaines de milliers de personnes périssent
faute de nourriture et ceux qui restent sont condamnés à errer
chaque jour à la recherche d’une maigre pitance. C’est
décidé, du haut de ses 19 ans, Bunker prend une décision
qui va changer sa vie : il veut vivre dans l’Inde rurale et se mettre
au service des paysans les plus pauvres.
Sans avoir aucune notion concrète de ce qu’il veut entreprendre
et de la manière dont il doit opérer, il décide d’aller
vivre dans un des villages du district d’Ajmer, dans le Rajasthan. C’est
là, qu’humblement, il passe 5 ans de sa vie. Travaillant comme
un forcené, il creuse, nettoie et fait exploser des charges afin de
construire des puits. Au contact des villageois de souche, il acquiert la
certitude que les connaissances et les compétences pratiques des villageois
sont suffisantes pour assurer leur développement.
A 25 ans, un collègue l’invite à passer quelques jours
à Tilonia. Cette visite sera le second tournant de son existence. Il
remarque un grand sanatorium à l’abandon au beau milieu du village
et décide d’engager les démarches pour l’acquérir.
Légué par le gouvernement au modeste prix de 1 roupie, il en
fera en 3 décennies le centre du « Barefoot College ».
Construit sur des préceptes de Gandhi, celui-ci s’articule autour
de 5 grandes idées : la participation de chacun à la vie du
village, l’égalité homme-femme, l’éducation
pratique et non théorique, la nécessité de ne pas gâcher
les ressources et la technologie par et pour ses habitants.
Résultat après presque trente ans d’efforts. Toute l’électricité
du village provient de panneaux solaires, 90 écoles de nuits ont été
créées pour dispenser un savoir pratique aux enfants qui gardent
leurs troupeaux le jour. Un groupe de 300 femmes se réunit chaque semaine
pour débattre et influencer leurs conditions de vie et un ingénieux
système de récupération de l’eau de pluie alimente
irrigation, douches et toilettes de tous les villageois. Dernière trouvaille
mais pas des moindre, un parlement des enfants est élu tous les 3 ans
pour influencer la vie du village et des écoles !!
Le plus remarquable de ces 30 années de développement est que
ce sont les villageois eux-mêmes qui ont eu les idées, les ont
financées (partiellement) et les ont appliquées à leur
rythme et ceci sans aucune aide extérieure. Bunker ne se considère
que comme un support et passe désormais la majeure partie de son temps
à promouvoir ce modèle aux quatre coins de l'Inde et, depuis
peu, de la Planète.
Persuadé qu'il faut beaucoup plus investir sur les individus que sur
les projets pour réaliser un développement durable des villages
indiens, il espère convaincre les sceptiques et faire de nombreux adeptes.
En voilà 2 de plus !!
* "Bhârat" signifie Inde en Hindi.
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