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Novo
Nordisk, la reine des entreprises responsables.
Alors que depuis 2002, une loi impose aux entreprises françaises
cotées en Bourse la publication chaque année,
en plus de leur rapport financier, d’un rapport social
et environnemental, Novo Nordisk, une entreprise pharmaceutique
danoise le fait depuis plus de 10 ans. Reconnue et largement
récompensée au niveau européen pour la
qualité de ses rapports et ses résultats étonnants,
elle se veut être un modèle d’entreprise
responsable en appliquant une stratégie de «
Triple Bottom Line » à savoir être économiquement
rentable, socialement responsable et écologiquement
soutenable.
Curieux de mieux comprendre cette démarche, nous avons
rencontré Lise Kingo, membre du Comité de Direction
de Novo Nordisk et Directrice Générale chargée
des relations avec les « Stakeholders » (les parties
prenantes – cf lexique).
Novo Nordisk est le leader mondial des soins contre le diabète
(47% de part de marché) et constitue un des 30 premiers
groupes pharmaceutiques mondiaux. Il emploie plus de 18.000
personnes dans 68 pays et réalise un chiffre d’affaires
en 2002 de presque 4 Milliards d’€ pour un bénéfice
net de 600 millions. Son actionnariat le met à l’abri
d’OPA hostiles bien qu’il soit côté
à Londres, New York et Copenhague puisque l’entreprise
est contrôlée par une Fondation.
Un peu atypique sur son marché (dominé par les
fusions et l’objectif de taille critique), Novo Nordisk
l’est aussi dans son management. Son PDG, diplômé
d’une école de gestion des forets s’est
entouré de fortes personnalités avec des parcours
plutôt atypiques. Lise Kingo est, par exemple, une économiste
spécialisée en Marketing, diplômée
en Religion Grecque et titulaire d’un Master en Responsabilité
des Affaires.
Elle entre en 1989 chez Novo Nordisk et se retrouve rapidement
dans l’équipe du Directeur Environnement de l’époque.
Séduit par le discours de John Elkington du cabinet
de conseil SustainAbility, celui-ci décide de mettre
en place une équipe responsable d’évaluer
l’impact environnemental de l’entreprise ; un
acte plutôt visionnaire, nous sommes quelques années
avant le 1er Sommet de la Terre à Rio… Après
avoir passé avec une équipe plus que restreinte
de nombreux mois dans des bureaux en sous-sol avec vue imprenable
sur les poubelles, son département publie en 1992 le
premier rapport environnemental, peu flatteur, mais événement
déclencheur d’un changement au sein de l’entreprise.
Puis vient le rapport de 1993 et déjà des récompenses.
Après avoir pris la direction des affaires environnementales
et formalisée la stratégie de « Triple
Bottom Line », elle se lance dans un grand chantier
: intégrer ces nouvelles formes d’actions, d’évaluations
et de contrôle des performances sociales et environnementales
à tous les niveaux de hiérarchie et dans toutes
les filiales.
Résultat après 8 années d’efforts
: chaque directeur ou responsable de département se
voit fixé des objectifs chiffrés et est évalué
en fin d’année en fonction de ceux-ci. Une équipe
de 18 auditeurs est consacrée au contrôle de
sa mise en pratique. Tous les sites de production seront certifiés
ISO 14001 à la fin de l’année 2003, les
consommations d’eau et d’énergies chutent
à un rythme annuel de 4 à 5 % (à périmètre
constant) et 90 % des fournisseurs sont contrôlés
sur leurs pratiques sociales et environnementales. De plus,
des sessions « portes ouvertes » avec des ONG
et des citoyens sont organisées chaque année
et une fondation dotée de 90 millions d’€
sur 10 ans a été créée pour améliorer
le traitement de 46 Millions de diabétiques. Novo Nordisk
vend aujourd’hui ses produits à 20% du prix du
marché dans les 50 pays les plus pauvres.
Désormais membre du Comité de Direction (c’est
la première femme à y siéger), Lise Kingo
réagit sur les entreprises qui communiquent sur les
valeurs du Développement Durable sans forcément
les mettre en pratique. Le grand danger, selon elle, est de
perdre leur « Licence to Operate » comme le définissent
les anglo-saxons c’est-à-dire un droit d’agir
qu’accorderaient les différentes parties prenantes
(clients, fournisseurs, ONGs ou citoyens). En communiquant
sans préalablement faire un état des lieux des
forces et faiblesses de l’entreprise et sans mettre
en place une vraie stratégie concrète et mesurable
sur le long terme, elles s’exposent aux représailles
des ONGs, toujours prêtes à dénoncer le
« Greenwashing » (Verdissement d’image sans
réel changement des pratiques – voir
lexique).
Et lorsqu’on lui demande pourquoi Novo Nordisk est si
souvent citée en exemple et se voit attribuer les meilleurs
résultats des agences de notation sociale et environnementale,
elle répond tout simplement : « sincérité
dans les croyances et la démarche, pédagogie
auprès des actionnaires et surtout une vision à
long terme car c’est l’essence même du Développement
Durable ». A nous de l’entendre et de le mettre
en pratique…
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