Lise
Kingo -Copenhague
(Danemark) - 25 juin 2003
Novo Nordisk, la reine
des entreprises responsables.
Alors
que depuis 2002, une loi impose aux entreprises françaises cotées
en Bourse la publication chaque année, en plus de leur rapport financier,
d’un rapport social et environnemental, Novo Nordisk, une entreprise
pharmaceutique danoise le fait depuis plus de 10 ans. Reconnue et largement
récompensée au niveau européen pour la qualité
de ses rapports et ses résultats étonnants, elle se veut être
un modèle d’entreprise responsable en appliquant une stratégie
de « Triple Bottom Line » à savoir être économiquement
rentable, socialement responsable et écologiquement soutenable.
Curieux de mieux comprendre cette démarche, nous avons rencontré
Lise Kingo, membre du Comité de Direction de Novo Nordisk et Directrice
Générale chargée des relations avec les « Stakeholders
» (les parties prenantes).
Novo Nordisk est le leader mondial des soins contre le diabète (47%
de part de marché) et constitue un des 30 premiers groupes pharmaceutiques
mondiaux. Il emploie plus de 18.000 personnes dans 68 pays et réalise
un chiffre d’affaires en 2002 de presque 4 Milliards d’€
pour un bénéfice net de 600 millions. Son actionnariat le met
à l’abri d’OPA hostiles bien qu’il soit côté
à Londres, New York et Copenhague puisque l’entreprise est contrôlée
par une Fondation.
Un peu atypique sur son marché (dominé par les fusions et l’objectif
de taille critique), Novo Nordisk l’est aussi dans son management. Son
PDG, diplômé d’une école de gestion des forets s’est
entouré de fortes personnalités avec des parcours plutôt
atypiques. Lise Kingo est, par exemple, une économiste spécialisée
en Marketing, diplômée en Religion Grecque et titulaire d’un
Master en Responsabilité des Affaires.
Elle entre en 1989 chez Novo Nordisk et se retrouve rapidement dans l’équipe
du Directeur Environnement de l’époque. Séduit par le
discours de John Elkington du cabinet de conseil SustainAbility, celui-ci
décide de mettre en place une équipe responsable d’évaluer
l’impact environnemental de l’entreprise ; un acte plutôt
visionnaire, nous sommes quelques années avant le 1er Sommet de la
Terre à Rio… Après avoir passé avec une équipe
plus que restreinte de nombreux mois dans des bureaux en sous-sol avec vue
imprenable sur les poubelles, son département publie en 1992 le premier
rapport environnemental, peu flatteur, mais événement déclencheur
d’un changement au sein de l’entreprise.
Puis vient le rapport de 1993 et déjà des récompenses.
Après avoir pris la direction des affaires environnementales et formalisée
la stratégie de « Triple Bottom Line », elle se lance dans
un grand chantier : intégrer ces nouvelles formes d’actions,
d’évaluations et de contrôle des performances sociales
et environnementales à tous les niveaux de hiérarchie et dans
toutes les filiales.
Résultat après 8 années d’efforts : chaque directeur
ou responsable de département se voit fixé des objectifs chiffrés
et est évalué en fin d’année en fonction de ceux-ci.
Une équipe de 18 auditeurs est consacrée au contrôle de
sa mise en pratique. Tous les sites de production seront certifiés
ISO 14001 à la fin de l’année 2003, les consommations
d’eau et d’énergies chutent à un rythme annuel de
4 à 5 % (à périmètre constant) et 90 % des fournisseurs
sont contrôlés sur leurs pratiques sociales et environnementales.
De plus, des sessions « portes ouvertes » avec des ONG et des
citoyens sont organisées chaque année et une fondation dotée
de 90 millions d’€ sur 10 ans a été créée
pour améliorer le traitement de 46 Millions de diabétiques.
Novo Nordisk vend aujourd’hui ses produits à 20% du prix du marché
dans les 50 pays les plus pauvres.
Désormais membre du Comité de Direction (c’est la première
femme à y siéger), Lise Kingo réagit sur les entreprises
qui communiquent sur les valeurs du Développement Durable sans forcément
les mettre en pratique. Le grand danger, selon elle, est de perdre leur «
Licence to Operate » comme le définissent les anglo-saxons c’est-à-dire
un droit d’agir qu’accorderaient les différentes parties
prenantes (clients, fournisseurs, ONGs ou citoyens). En communiquant sans
préalablement faire un état des lieux des forces et faiblesses
de l’entreprise et sans mettre en place une vraie stratégie concrète
et mesurable sur le long terme, elles s’exposent aux représailles
des ONGs, toujours prêtes à dénoncer le « Greenwashing
» (Verdissement d’image sans réel changement des pratiques).
Et lorsqu’on lui demande pourquoi Novo Nordisk est si souvent citée
en exemple et se voit attribuer les meilleurs résultats des agences
de notation sociale et environnementale, elle répond tout simplement
: « sincérité dans les croyances et la démarche,
pédagogie auprès des actionnaires et surtout une vision à
long terme car c’est l’essence même du Développement
Durable ». A nous de l’entendre et de le mettre en pratique…
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