Sulo
Shrestha Shah - Katmandu (Népal) - 8 Novembre 2003
Le développement,
tout un business...
Sulo
Shah est le type de femme dont la rencontre recharge vos batteries. L’énergie
sereine que dégage cette élégante népalaise d’une
cinquantaine d’année est radicalement communicative. Et quand
on est natif, comme elle, d’un pays ravagé par l’illettrisme
et la pauvreté, cette énergie ne demande qu’à être
utilisée…
Sa vie en est l’exemple probant. Lorsque Mme Shah, issue d’une
famille aisée de Katmandou, revient au milieu des années 80
d’Allemagne avec son Mastère en Mathématiques en poche,
elle a la ferme intention de faire évoluer le Népal en participant
activement à l’élaboration des programmes des écoles
du pays. Mais sa première confrontation avec les lourdeurs bureaucratiques
et la « politique » de bureau lui laisse un souvenir amer…
Après trois ans d’efforts et une ultime proposition rejetée
pour des raisons absurdes, elle démissionne. Un de ces collègue
de l’époque lui expose alors assez clairement ses choix. «
Soit tu prends la tête du changement que tu souhaites, soit tu suis
un leader inspirant, soit tu ne fais rien… » N’ayant nullement
l’intention de ne rien faire et se sentant encore un peu jeune pour
incarner un quelconque leadership, Sulo Shah va suivre encore un temps le
mouvement et rejoindre les rangs d’un ONG. Deuxième déception.
Plus de 800 ONG sont présente sur le territoire népalais et
l’aide internationale représente 60 % du budget de l’Etat,
donc s’engager dans une ONG et trouver un programme de financement n’est
pas si difficile qu’on pourrait l’imaginer. Elle prend la tête
au sein de son association d’un des programmes de formation dans des
villages reculés. Avec une attitude résolument tournée
vers la responsabilisation des populations, elle obtient même d’excellents
résultats. Mais une fois de plus, les chamailleries internes, l’attitude
condescendante des membres et l’impression générale de
travailler dans ce que Sulo Shah décrit comme « une ferme à
dollar » la feront quitter cette ONG qui n’a pas su faire fructifier
ses résultats…
C’est résolu, on ne la lui fera plus, dorénavant elle
ne veut plus de patrons, et créée une entreprise. « Je
ne suis pas Mère Thérésa ! », nous dit elle, «
mais j’ai ressenti le besoin d’enfin réaliser des choses
concrètes ».
Formations Carpets, puisque c’est le nom que prend cette fabrique de
tapis artisanaux commence doucement en 1992. Avec 6 personnes au tout début,
Sulo Shah déploie toute son énergie pour aller vendre ses produits
aux Etats-Unis et en Allemagne. Les résultats suivent rapidement avec
30 salariés au bout d’un an et 60 après deux ans. Bien
évidemment, la fibre sociale de cette PDG n’a pas disparue et
dès la fondation, sa société se démarque en interdisant
le travail des enfants (pratique largement répandue dans ce secteur),
en lançant un grand programme de couverture santé, en offrant
un jour de repos par semaine à ses travailleuses, en offrant des salaires
décents et en mélangeant les castes sans aucune forme de discrimination.
Ses bonnes pratiques favorisent un climat excellent dans l’entreprise.
Lorsqu’en 1994 les premières difficultés dues à
un marché déclinant obligent Sulo Shah à effectuer des
licenciements, 35 personnes se portent volontaires pour éviter aux
plus précaires des salariées d’être touchées
!! Deux mois plus tard, tout le monde sera réembauché.
Aujourd’hui, la société emploie plus de 160 salariés
et est reconnue mondialement comme un exemple d’émancipation
durable des femmes qui constituent 95 % de ses effectifs. Mais l’entreprise
est aussi exemplaire pour les enfants de ses salariés. Une école
a tout simplement été créée attenante à
l’usine pour leur éducation. Leur sort est bien différent
de celui de leurs mères qui ont, pour certaines, appris leur métier
en travaillant dans des entreprises similaires dès 8 ans avec des horaires
de plus de 14 heures par jour.
L’expérience de Sulo Shah et de son entreprise à taille
humaine nous ont clairement montré le potentiel de changement qu’un
entrepreneur sensibilisé peut avoir sur la société. L’entreprise
est un cadre possible, qui, c’est le moins qu’on puisse dire,
amieux convenu au tempérament de Mme Shah que les secteurs administratifs
ou associatifs. D’ailleurs, les 25 % de profit que dégagent,
les bonnes années, Formation Carpets lui permettent aujourd’hui
d’étendre son modèle en créant une holding qui
investit dans des entreprises similaires, de tapis, de textile ou de papier
et les transforme selon le modèle Formation Carpets. Vous voulez changer
le monde ? Préparez votre business plan !
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