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Entrepreneur vert au Japon
L’industrie des détergents et des cosmétiques
n’est pas traditionnellement reconnue pour son engagement
envers la préservation de l’environnement et
la recherche de solutions aux grands enjeux écologiques.
Pourtant, au Japon, une société de ce secteur
d’activité est depuis de nombreuses années
encensée et prise comme modèle d’entreprise
« verte ». Un cas d’école pour jeunes
patrons ambitieux et visionnaires.
Yusuke Saraya grandit dans un petit village près d’Osaka,
dans le sud de l’archipel nippon. Fils du fondateur
de Saraya Limited, spécialisée dans la fabrication
et la commercialisation de savons pour le grand public et
de produits de nettoyage pour l’industrie alimentaire,
il est conscient, depuis tout jeune, de l’impact écologique
de ces activités. Il se qualifie avant tout comme «
un amoureux de la nature et un randonneur passionné
». À 35 ans, déjà marié
et père d’une petite fille, il hérite
du groupe familial.
Rapidement, il prend conscience que même si, déjà,
la majorité des produits de Saraya sont à base
d’huile de coco et d’huile de palme, à
99,9 % biodégradables, cela ne suffit pas. Il faut
ne conserver que les produits dont l’impact sur l’environnement
est le plus faible, surtout que leur efficacité est
identique voire supérieure à d’autres,
à base de produits chimiques. Il lance des gammes de
savons « bio » pour ménagères et
s’empare rapidement de plus d’un quart de ce marché.
Saraya fait désormais un chiffre d’affaires de
150 Millions d’Euros et emploie plus de 1500 personnes.
Cette taille lui impose, s’il veut être cohérent
d’aller plus loin dans sa démarche. Au-delà
des gammes, il faut minimiser les ressources nécessaires
à l’activité même de la société.
Il l’est l’un des premiers au Japon, au début
des années 90, à communiquer à ces actionnaires
dans un rapport annuel des chiffres sur la consommation de
l’eau, de l’électricité, du papier
et de l’essence. Il s’engage à réduire
la consommation de toutes ces ressources de manière
drastique (de 5 à 10% par an à périmètre
constant) et y parvient chaque année – bien que
cela soit de plus en plus difficile. « C’est le
minimum que je puisse faire mais ce minimum, si tous les industriels
s’y engageaient, solutionnerait déjà pas
mal de nos problèmes actuels ».
Mais son ultime objectif est ailleurs : il souhaite modifier
l’économie actuelle en une économie sans
carbone. Il l’illustre en étant président
de ZERI (Zéro Emission Research Initiative), un organisme
créé il y a 10 ans par le bouillonnant Gunter
Pauli*. Reconnu pour ses innovations et son influence grandissante
dans de nombreuses industries, ce réseau a pour but
de trouver une palette de solutions technologiques pour produire
tout en émettant moins de gaz à effet de serre.
Par exemple, grâce à une technologie développée
en collaboration avec ZERI, Yusuke a investi plus de 10 Millions
d’Euros pour la construction d’un immense centre
de traitement des déchets organiques. Celui-ci sera
capable de traiter 150 tonnes de déchets par jour,
provenant de restaurants et de supermarchés aux quatre
coins du Japon, pour en faire des engrais biologiques. Non
seulement, il souhaite, de manière ambitieuse (150
tonnes par jour est un volume très important dans le
secteur), contribuer à solutionner le problème
de l’accumulation des déchets, mais il le fait
avec une méthode innovante (par carbonisation), permettant
de fixer le carbone et ainsi lutter contre le réchauffement
climatique.
Yusuke Saraya, infatigable entrepreneur et doux utopiste,
nous aura une nouvelle fois prouvé qu’être
un grand patron et un écologiste convaincu n’est
pas forcément antinomique, et que parfois même,
cela peut déboucher sur de nombreuses opportunités.
Et lorsqu'on lui demande le fameux "Pourquoi ?",
il conclue notre entrevue avec malice en répondant
: "vous comprendrez sans doute quand vous aurez des enfants..."
* Gunter Pauli, « touche à tout génial
» comme le qualifie Yusuke Saraya, est une des premières
personnalités que nous avions identifié pour
figurer parmi nos 80. Malheureusement, nous n’avons
pu l’interviewer au Japon car il se déplace presqu’autant
que nous. Nous le rencontrerons à notre retour en France.
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