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"Ma mission, prouver que les alternatives existent".
La Chine est la super-puissance de demain, tout le monde s’accorde
désormais à le reconnaître. L’ouverture
de son économie aux capitaux étrangers, alliée
à une main d’œuvre très bon marché,
fait d’elle l’usine de l’économie
mondiale. Petit à petit, le pouvoir d’achat des
Chinois augmente et les gigantesques débouchés
de son marché intérieur permettent l’émergence
d’une classe moyenne estimée à plus de
200 millions d’individus. Ce fantastique développement
a de nombreuses conséquences néfastes sur l’environnement
(9 des 10 villes les plus polluées au monde sont Chinoises)
et l’on peut légitimement craindre une multiplication
de graves problèmes écologiques dans les années
à venir.
Cependant, dès maintenant, des solutions existent.
Nous avons rencontré Allen Chan, le fondateur de Sino
Forest, une entreprise prospère qui, grâce à
un modèle innovant, lutte chaque jour contre la déforestation
et le réchauffement climatique.
Allen Chan a un profil plutôt atypique. Se qualifiant
lui même d’intellectuel romantique passionné
d’art et de culture chinoise, il se lance jeune dans
de brillantes études de sociologie. Quelques années
plus tard, lassé par ses occupations de consultant
et de professeur d’université, il décide
de se frotter au monde réel pour prouver que ses idées
peuvent être mises en pratique. Il prend rapidement
la tête d’une chaîne de restaurants flottants
puis acquiert une certaine notoriété en aidant
des investisseurs hongkongais à monter un gigantesque
complexe hôtelier en Chine. Il en fait sa spécialité
et devient bientôt un des conseillers financiers préférés
des investisseurs souhaitant s’implanter en Chine. Mais
en 1989, suite aux événements de la place Tienanmen,
tous ces investissements cessent du jour au lendemain et en
quelques mois, il perd tout.
À la suite de ce désastre professionnel et financier,
Allen se retire pendant deux ans, prend du recul et «
réinvente » sa vie. « J’avais appris,
pour être un homme d’affaire accompli et respecté,
à mettre de côté mes sentiments, mes croyances,
bref tout ce que j’étais. Cette période
de rupture m’était nécessaire pour comprendre
que cette volonté de faire quelque chose qui ait du
sens était entièrement compatible avec un projet
d’entreprise ».
Il s’intéresse alors, un peu par hasard, au secteur
du bois et découvre que la croissance de la demande,
en Chine, est une fois et demie plus rapide que le PIB. Le
commerce, l’équipement mais surtout la construction
(avec des taux de croissance de 20%) engloutissent chaque
année plus de 300 millions de mètres cube et
fait de la Chine le 2ème importateur mondial de bois
derrière les Etats-Unis. Malgré cela, la consommation
par habitant ne représente qu’un vingtième
de la consommation américaine.
Il prend conscience des énormes opportunités
qu’offre ce marché et qu’une alternative
viable à la déforestation est possible, par
la mise en place de « fermes arboricoles ». L’idée
est simple : planter des eucalyptus et des pins, attendre
5 ans qu’ils atteignent leur maturité (c’est-à-dire
qu’ils soient commercialisables sous forme de rondins
et planches) et une fois coupés, replanter de nouveau.
Ainsi débarrassé des coûts d’exploitation
des forêts naturelles et capable d’augmenter la
productivité par hectare en organisant ses plantations
sans en altérer l’environnement et la biodiversité,
Sino Forest peut vendre son bois jusqu’à 20%
moins cher !
Le modèle est révolutionnaire, il obtient du
gouvernement chinois une concession de quelques milliers d’hectares
sur 50 ans en échange de 30% de la production annuelle.
Mais un problème demeure : l’investissement de
départ est très difficile à trouver.
En 1993, après avoir essuyé de nombreux refus
d’investisseurs hongkongais, il parvient à convaincre
des fonds d’investissements canadiens, prêts à
investir sur ce marché émergent. Il lève
5 millions d’€ et introduit sa société
sur le second marché Canadien.
10 années plus tard, il exploite 200 000 hectares de
forêts, emploie indirectement 35 000 personnes et réalise
un chiffre d’affaires de plus de 200 millions d’€
pour un bénéfice net de 20 millions. Leader
sur ce marché où il fut le premier à
avoir mis en pratique ce modèle « renouvelable
», il est très optimiste quant à l’avenir
de sa société et prévoit d’atteindre,
en 2005, une part de marché de 4%. Enfin, on peut prévoir
que Sino Forest améliorera considérablement
ses performances financières à l’avenir
car son métier permet, même si Allen reste prudent
à ce sujet, de dégager des crédits d’émissions
de gaz à effet de serre, « échangeables
» dans le cadre du protocole de Kyoto.
En 1998, après une importante vague de catastrophes
naturelles dues à la déforestation (inondations,
glissements de terrains), ayant fait plus de 4000 morts et
18 Millions de sans-abri, le gouvernement chinois a interdit
l’exploitation des forêts naturelles. Ces mesures
prendront du temps à être réellement appliquées,
mais Sino Forest semble mieux armée que quiconque à
saisir ces nouvelles opportunités de développement.
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